"Fait divers" corrections 1-

Dans le jardin, tout au bout du potager, Loulou avait installé des fils pour pendre le linge. Il les avait choisis épais, inaltérables et rouges. Souvent Marie étendait sa lessive au soleil. Ses bras charnus et ronds s’élevaient pour hisser un drap ou une robe qu’elle attachait avec de jolies pinces en couleur. Loulou aimait la regarder pendant qu’elle lissait du plat de la main les étoffes et qu’elle faisait claquer dans l’air les torchons pour les défroisser. A chacun de ses mouvements, il découvrait une nouvelle attitude ou un geste qui n’appartenait qu’à elle. En harmonie avec tout ce qui l’entourait, Marie représentait pour lui la femme qu’il avait rêvé d’avoir. Et le rêve s’était réalisé. Il en doutait encore, car depuis son plus jeune âge, il avait coutume de se sous-estimer. Il ne comprenait donc pas pourquoi elle l’avait choisi pour mari, lui, le plus ordinaire des hommes qui soit.

L union idéale de la montagne avec la mer l’avait toujours séduit. Natifs de Provence tous les deux, un poste de Directeur des Eaux et Forêts à Toulon s’était libéré. il avait postulé sans grand espoir mais, comme il le répétait à l’envi, « Tenter sa chance n’est pas mortel ». Il tenait cette maxime de son grand-père qui ne s’exprimait que par des citations ou des proverbes. Il avait une véritable encyclopédie en mémoire, ce qui était étonnant de la part d’un paysan assez rustre. Loulou pensait que son aïeul souffrait d’autisme et qu’il avait trouvé cette parade pour avoir un semblant de communication avec les autres. En tout cas cela l’avait aidé car il avait obtenu le poste sans difficulté.

Marie s’adaptant facilement partout, ses doigts de fée s’étaient dépensés sans compter sur des ouvrages de couture. Sa réputation était faite en tant que couturière et modiste. On se battait pour figurer sur son carnet de commandes. Les robes de mariées froufroutantes n’avaient pas de secrets pour elle. Ils étaient invités à chaque cérémonie. Cela leur avait permis de nouer des relations amicales avec les gens de la région.

Arrachant un poireau de plus, terreux et chevelu, Loulou suspendit son geste.Marie tournait sur elle-même en esquissant un pas de danse sur une musique fredonnée intérieurement. Il l’enviait d’être aussi gaie et pleine d’une vitalité charmante. Ils essayaient d’avoir leur premier enfant ce qui ne devrait plus tarder, du moins l’espérait-il. Tout à ses pensées, il se pencha à nouveau sur ses légumes, soupesant ici et là une tomate encore verte et mesurant la pousse des aubergines d’une belle couleur chatoyante. Il cueillit du pistou pour faire une bonne soupe provençale. Il aimait cuisiner et la soupe du pays faisait partie de ses plats préférés. Il y mettait toutes sortes de légumes, quelques pois chiches et bien sûr il confectionnait sa mixture à base de tomate, d’herbes et d’ail qu’il mélangeait au potage. Un régal !

Loulou se rendit en ville avec sa vieille 4L. Le village était situé à une dizaine de kilomètres de Toulon, niché au pied d’une colline verdoyante. Tout le long de la route étaient plantés des platanes centenaires. Ceux-ci avaient échappé au massacre à la tronçonneuse commis par les autorités municipales, en raison de leur dangerosité en cas d’accident. De nombreuses voitures quittaient la route et se fracassaient contre les troncs majestueux. En plus de ses fonctions aux eaux et forêts, Loulou faisait partie d’une association écologiste. Il avait bataillé pour garder cette route peu fréquentée avec ses vénérables arbres. Pour l’instant, la première manche avait été gagnée mais il craignait que ce ne soit temporaire.

Il longea la route du port. Des yeux il chercha le porte-avions Charles de Gaulle habituellement amarré dans la rade. La piste était déserte et l’activité semblait réduite. Deux marins patrouillaient sur le pont. Quelques bateaux croisaient en dehors de la zone militaire. C’était la curiosité nationale. Il y avait toujours des amateurs de photos.

Dans sa prime jeunesse, il avait rêvé d’être pilote de chasse comme les trois-quarts des gamins. A la maturité, cela le fascinait toujours. Quand il considérait le métier qu’il exerçait, il était satisfait cependant de son action. Mais certains jours, la nostalgie lui pinçait le coeur. Que n’avait-il pu être aviateur ? Il riait volontiers de lui après avoir dissipé son spleen. Il savait bien que le plus important était l’amour qu’il portait à Marie. Il l’aimait tellement, elle était tout pour lui. Il se disait que si un jour la mort ou plus simplement la vie les séparait, il ne pourrait pas le supporter.

Il gara son vieux break vers la rue commerçante. Il cherchait un cadeau pour Marie, voulant marquer le souvenir de leur rencontre. Cette date avait une résonance heureuse, il en vénérait la célébration. Chaque année il innovait et surprenait Marie par ses attentions. Mais aujourd’hui, il était à court d’idées. Après avoir remonté la rue principale, il s’arrêta devant une vitrine de bijoux, attirés par leurs feux multicolores. Il imagina le cou laiteux de Marie orné de la sorte. Il choisit sans hésiter un Murano turquoise et un cordon de satin. Il alla ensuite fureter chez le fleuriste . Ce soir il organisait une soirée-surprise à la salle des fêtes. Un peu fébrile, les bras chargés d’une composition florale, il ouvrit le coffre de la R4 et la cala soigneusement.


La fête battait son plein lorsque Loulou demanda le silence afin de porter un toast. Après les quelques mots d’introduction, il chercha sa femme des yeux. Ne la trouvant pas, il fit un signe discret à l’un de ses amis qui partit aussitôt à sa recherche. Au bout de quelques temps, Bernard, leur ami intime, revint bredouille. Loulou devint tout pâle. Il se mit lui-même à sa recherche avec quelques voisins.

- Marie, Marie, Marie !

Les appels autour de la salle des fêtes étaient de plus en plus nombreux. L’angoisse planait. On évitait de penser au lac tout proche, au chemin sombre menant à la maison du couple. Qu’était-elle devenue ? Que lui était-il arrivé lorsqu’elle était partie en courant chercher ses paniers ? En fait, par distraction, elle avait oublié d’apporter la collection de desserts préparés pour la fête. Car, si Loulou ne lui avait rien dit, elle se doutait qu’il complotait quelque chose, elle avait cuisiné quelques unes de ses spécialités, une tarte au citron meringuée, un gâteau de Savoie et sa crème, une tarte tropézienne et sa fameuse tarte aux pommes.

Quand Loulou ouvrit la porte de sa maison en appelant sa femme, et seul le silence lui répondant, il courut à la cuisine. Tous les gâteaux étaient prêts, emballés soigneusement, dans deux paniers profonds. Or, Marie n’était jamais arrivée chez elle. La fête se termina tristement.


Dès le lendemain, une battue générale fut organisée. On sonda même le lac. La police releva les empreintes dans chaque pièce. Loulou remit aux gendarmes un vêtement ayant appartenu à Marie afin de flairer une éventuelle piste avec les chiens. On placarda sa photo partout et jusque dans les quartiers les plus reculés de Toulon. Jamais on ne la retrouva.


Loulou vécut dans son souvenir. Il rêvait d’elle, elle était à ses côtés, ange du paradis. Il perdit peu à peu tout intérêt pour la vie terrestre. Allant au jardin potager, il contemplait d’un air abattu les fils de l’étendoir qu’il avait installés pour pendre le linge. Il revoyait la grâce des gestes de Marie, ses bras ronds marqués d’une fossette aux coudes et ses doigts fuselés voletant ici et là sur les fils en y plantant des pinces. Machinalement, il détacha une portion de fil et l’enroula pensivement. Il n’avait plus besoin d’autant de surface, se disait-il.

Quelques jours plus tard, on retrouva Loulou pendu au crochet de la vasque du salon. Il avait pris soin de détacher celle-ci et de la poser délicatement sur la table.

Il y tenait beaucoup. C’était un lustre Murano …
FIN

C'est court, c'est bon et ça touche où il faut.

Te voilà partante pour le moment ludique d'avril (voir l'atelier de Polars d'Eux)

Bravo, belle entrée en matière.

Merci Paul pour ton accueil et ton appréciation de Fait divers.

Beaucoup (trop ?) de subordonnées, Svetlana, et ça alourdit la lecture. Tous ces "qui", "que", "dont", etc. peuvent être enlevés sans changer le sens de ton texte. Tu peux de même tenter des tournures surprenantes, essayer de nouvelles phrases, utiliser d'autres outils...

Bref, élaguer, élaguer, élaguer, le maître mot de chaque texte...

Pas forcément... Auteurs, attention, si vous restez trop longtemps sur ce forum vous risquez d'être contaminés par un virus belge dit de Simenon.

Merci à Elisa.C'est vrai que Simenon m'a toujours intéressée. Son universes personnages tristounets et atypiques.

Merci à Isabelle. Peut-être alléger oui mais pas forcément... Car il n'y aurait plus assez de matière !

Je reverrai ma copie dès que possible. J'attends d'autres avis.ien

Bien à vous

Pas de bol, Elisa, je déteste Simenon...

...mais tu fais comme lui.

Turlututu ! C'est peut-être un point commun à l'écriture belge, mais de là à l'attribuer à Simenon...