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texte 1 : FUNESTES RETROUVAILLES

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Message par SpécialeKa Dim 5 Avr - 20:29

FUNESTES RETROUVAILLES


L’homme la tenait par la main, recueilli et silencieux. Sur les pavés luisants, Natacha se tordait les chevilles, cherchant appui sur ses talons hauts. Des larmes abondantes coulaient sur son visage. Elle ne cherchait pas à les dissimuler. Son chagrin était profond.
A l’intérieur du cercueil en bois verni recouvert de fleurs, était enfermée sa mère. Dans le caveau, la dépouille de son père reposait depuis un an déjà. Ils étaient enfin réunis et peut-être avaient-ils trouvé une certaine forme de bonheur. Leur vie terrestre avait été difficile, parsemée d’embûches et d’éclipses plus ou moins longues.
Natacha se souvenait avec amertume d’avoir vu sa mère sangloter de rage lorsqu’elle avait appris que son mari avait une liaison durable. La fatalité avait voulu qu’une voisine, dotée d’une langue vipérine, ait été témoin d’une scène torride compromettante. A cette époque, elle était employée de maison et, sous prétexte d’accomplir des tâches ménagères, elle était entrée par mégarde dans la salle de bains du couple illégitime. Ils étaient nus sous la douche en plein orgasme et ne s’aperçurent pas de l’intrusion de la commère. Elle ne perdit pas une miette du spectacle. Refermant aussi doucement que possible la porte, elle projeta de glisser, sous un prétexte charitable, dans l’oreille de la femme légitime, ce fait troublant. Frustrée, seule dans la vie, elle sentit un plaisir sadique monter en elle. Elle connaissait les habitudes de la femme trompée. Elle s’arrangea pour se trouver sur son chemin et ne manqua pas de lui apprendre la traîtrise de son mari.
Il y eut un beau grabuge, les vêtements de l’époux volage furent jetés par la fenêtre. Les cris aigus de la femme traversaient les murs. La scène dura tout l’après-midi. Un médecin fut appelé, en dernier ressort. Il lui fit une piqure calmante. Le temps passa, son mari ne la quitta guère. Puis la routine revint avec ses hauts et ses bas. Il ne renonça pas à sa maîtresse qu’il continua à voir et à entretenir. Quand l’âge lui interdit les rapports amoureux, il lui dit adieu. Quelques jours après, il mourait d’une crise cardiaque en dormant. Les mois passèrent. On murmura alors que son amante s’était suicidée, un soir de Mai, d’une bien curieuse façon. Les doutes planèrent sur l’épouse trompée mais l’enquête piétina puis finit par être mise en sommeil.
Toute à ses pensées, Natacha assistait, tant bien que mal, à la suite de la cérémonie. Elle préleva une rose d’un panier posé à terre et la laissa tomber sur le cercueil. La fleur alla s’encastrer dans une poignée. La tige se dressait, comme piquée au vif, à l’extrémité de laquelle les pétales ivoire frémissaient imperceptiblement. Elle se pencha au-dessus de la fosse, attirée d’une manière irrésistible, par le léger battement du cœur de la rose. L’homme, debout à ses côtés, la retint, chancelante et étourdie.
C’est alors que le fossoyeur se mit devant la tombe ouverte et s’apprêta à faire entrer le cercueil dans le caveau. Il était vêtu d’un jean et d’un gros blouson. Il s’appuya, en pliant les genoux et commença à pousser, en exhalant des onomatopées de bucheron. Plus l’effort était soutenu, plus la ceinture du pantalon descendait pour finir par dévoiler un postérieur rose, partagé par une raie médiane horriblement poilue. L’inconvenance de cette exhibition involontaire frappa les membres de l’assistance qui tentaient désespérément de se recueillir. Un fou-rire nerveux gagna petit à petit les uns et les autres de sorte que la cérémonie fut écourtée par respect pour la défunte. Les épaules secouées de hoquets hilares, la famille et les amis s’éloignèrent le plus décemment possible.
Au moment précis où elle décidait de partir, toujours soutenue par l’homme attentionné, Natacha remarqua un portrait féminin, au sourire énigmatique, décorant la tombe voisine. Le couple s’approcha pour en déchiffrer le nom. Ils reconnurent alors le visage de la maîtresse honnie par la femme qu’on venait de mettre en terre. Tout d’abord, le chagrin se fit plus aigre, assorti d’un sentiment de honte. Puis, tout compte fait, ils se dirent que la mort avait réuni deux femmes qui aimaient le même homme.
Le soir tombait, donnant un aspect lugubre aux allées pavées du cimetière. Les lampadaires s’allumèrent, accentuant encore la tristesse macabre des lieux.
Sur le trottoir d’en face, un jeune couple s’embrassait et se faisait des promesses pour la vie.
FIN

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