texte 6 : les habitudes
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texte 6 : les habitudes
Je savais que ça arriverait un jour. Je m’y suis préparé maintes fois. J’ai imaginé tous les scénarios, des plus tortueux aux plus farfelus.
Marco me l’avait dit. Une planque n’est jamais éternelle. « On n’est pas fait pour mourir vieux ! » disait-il en riant. C’est facile de plaisanter là dessus quand on a 20 ans et qu’on mène une vie de roi décadent. Quand les seules limites qui s’imposent sont celles de Dieu lui même.
Les années ont passé et je regarde par ma fenêtre comme tous les soirs. Une voiture, un modèle ancien, et un homme planté là depuis une demie heure. Le spectacle pourrait sembler anodin mais je sais qu’il est là pour moi. Je le sais aux mouvements saccadés de ses mains quand il s’allume une énième cigarette. Aux soupirs qu’il pousse en se grattant la joue. Aux ré-ajustages bien trop fréquents de son chapeau. Cette homme n’attend pas quelqu’un mais un ordre. Le top pour commencer sa chasse.
Il est nerveux. La peur se lit dans les petits mouvements d’un pied sur l’autre qu’ils fait sois-disant pour se réchauffer. A chaque fois qu’il amène sa main à son visage pour fumer, remettre son chapeau ou que sais-je, le reflet étincelant et furtif de son alliance le transporte. Il pense à sa femme et ses gosses. A sa grande villa avec piscine. A ses nombreuses maîtresses et au fric qu’il y laisse. Il s’échappe un instant de son attente. Il sait pourquoi il est là.
Peut être essaye-t-il aussi de chasser de son esprit l’appréhension du jour où ce sera lui derrière sa fenêtre, caché dans le noir de sa chambre. Où il sera à ma place à chercher l’issu. A penser arme, véhicule.
Soudain la lumière surgit du couloir derrière moi :
« - M. Roger ! vous n’êtes pas couchés à cette heure ?
- La lumière éteignez-là, vite ! Fermez la porte bon sang ! » je m’empêtre dans ma cane et me rattrape de justesse au bord de la fenêtre. Dehors l’homme ne prend pas la peine de lever son regard vers moi. L’infirmière me saisit par le bras et égrène bien fort et bien distinctement, comme on lui a appris à parler aux vieux :
« - Avez-vous pris vos pilules, M. Roger ? »
Je remue dans tous les sens pour me défaire de son étreinte. Cela ne fait pas osciller l’hippopotame en blouse blanche qui me tient fermement et m’assoit de force sur le lit. Je gémis « L’homme dehors, éteignez cette lumière je vous en prie … ».
Une pensée semble éclairer ses yeux de bovin, elle se met à parler à voix basse mais toujours en articulant exagérément :
« - Ah oui, on m’a prévenu pour vos dél… enfin pour … heu … Couchez-vous et je vais vite fermer cette porte ! »
Je m’exécute la mort dans l’âme. Elle sort enfin : « Bonne nuit M. Roger, à demain ! »
Bonne nuit, c’est ça.
Marco me l’avait dit. Une planque n’est jamais éternelle. « On n’est pas fait pour mourir vieux ! » disait-il en riant. C’est facile de plaisanter là dessus quand on a 20 ans et qu’on mène une vie de roi décadent. Quand les seules limites qui s’imposent sont celles de Dieu lui même.
Les années ont passé et je regarde par ma fenêtre comme tous les soirs. Une voiture, un modèle ancien, et un homme planté là depuis une demie heure. Le spectacle pourrait sembler anodin mais je sais qu’il est là pour moi. Je le sais aux mouvements saccadés de ses mains quand il s’allume une énième cigarette. Aux soupirs qu’il pousse en se grattant la joue. Aux ré-ajustages bien trop fréquents de son chapeau. Cette homme n’attend pas quelqu’un mais un ordre. Le top pour commencer sa chasse.
Il est nerveux. La peur se lit dans les petits mouvements d’un pied sur l’autre qu’ils fait sois-disant pour se réchauffer. A chaque fois qu’il amène sa main à son visage pour fumer, remettre son chapeau ou que sais-je, le reflet étincelant et furtif de son alliance le transporte. Il pense à sa femme et ses gosses. A sa grande villa avec piscine. A ses nombreuses maîtresses et au fric qu’il y laisse. Il s’échappe un instant de son attente. Il sait pourquoi il est là.
Peut être essaye-t-il aussi de chasser de son esprit l’appréhension du jour où ce sera lui derrière sa fenêtre, caché dans le noir de sa chambre. Où il sera à ma place à chercher l’issu. A penser arme, véhicule.
Soudain la lumière surgit du couloir derrière moi :
« - M. Roger ! vous n’êtes pas couchés à cette heure ?
- La lumière éteignez-là, vite ! Fermez la porte bon sang ! » je m’empêtre dans ma cane et me rattrape de justesse au bord de la fenêtre. Dehors l’homme ne prend pas la peine de lever son regard vers moi. L’infirmière me saisit par le bras et égrène bien fort et bien distinctement, comme on lui a appris à parler aux vieux :
« - Avez-vous pris vos pilules, M. Roger ? »
Je remue dans tous les sens pour me défaire de son étreinte. Cela ne fait pas osciller l’hippopotame en blouse blanche qui me tient fermement et m’assoit de force sur le lit. Je gémis « L’homme dehors, éteignez cette lumière je vous en prie … ».
Une pensée semble éclairer ses yeux de bovin, elle se met à parler à voix basse mais toujours en articulant exagérément :
« - Ah oui, on m’a prévenu pour vos dél… enfin pour … heu … Couchez-vous et je vais vite fermer cette porte ! »
Je m’exécute la mort dans l’âme. Elle sort enfin : « Bonne nuit M. Roger, à demain ! »
Bonne nuit, c’est ça.
SpécialeKa- Paragraphe
Re: texte 6 : les habitudes
Il y a quelqu'un qui a dit un jour que les derniers seront les premiers...
Chapeau !!
Chapeau !!
Paul Colize- Synopsis
Re: texte 6 : les habitudes
Bon texte. Astucieux.
Comme dit, Paul Zorro...
Petite correction : "Cet homme n'attend..."
Comme dit, Paul Zorro...
Petite correction : "Cet homme n'attend..."
Dernière édition par André Toutou le Dim 1 Fév - 13:34, édité 1 fois
André Toutou- Paragraphe
Re: texte 6 : les habitudes
Paul Colize a écrit:Il y a quelqu'un qui a dit un jour que les derniers seront les premiers...
Jean Jacques Goldman !!!
SpécialeKa- Paragraphe
Re: texte 6 : les habitudes
Décidément Paul cite tous les grands auteurs... Déjà avec le "On s'était dit"...
André Toutou- Paragraphe
Re: texte 6 : les habitudes
Vision très différente, et très bon texte. Beaucoup de talent chez les membres de Polard'eux... Vite des noms !!
Sebastian Charles- Pitch
Re: texte 6 : les habitudes
Sebastian Charles a écrit:Vite des noms !!
demain Charles ... demain ...
SpécialeKa- Paragraphe
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