Texte 5 - sans titre

Je m’appelle Daniel Amette, mais faites moi plaisir, appelez moi Dashiel, ou simplement Dash. Je suis un privé. Je viens de terminer mon dernier contrat (qui était en réalité mon premier) , une sale histoire. Le patron de la fabrique de bobines m’a engagé pour briser une grève. Des rouges de la CGT menaçaient de bloquer l’usine. Des durs à cuire, du costaud, bon c’était essentiellement du personnel féminin mais faut pas déconner avec ça.

C’est un dur métier. On est confronté à la pègre syndicale et on est payé par la pègre patronale. On est seul face à la corruption qui ronge toute la ville, de East river à West park, de North Mountain à South-Town, autrement dit, du parc Anatole France à la rocade Georges Pompidou. On est seul face au crime et ici, faut pas compter sur la police, de toute façon, il n’y en a pas, on a juste une gendarmerie et elle intervient sur trois autres cantons.

Je vous le dis, c’est un job pour les solitaires, les derniers grands fauves, les survivants urbains. Betty, enfin Béatrice l’a bien compris, elle vient de me foutre dehors, elle tenait plus le coup. Je ne lui en veux pas. Ca pas été toujours facile pour elle. Elle a tout mis dans des cartons qu’elle a déposé sur le palier, ma collection de série noire, mes sept imperméables vintages, mes six costards et mes quatre chapeaux, ma caisse de Jack Daniel, mes cartouches de Craven A et ma collection de flingues factices. Elle a plus supporté « Dégage connard ! », la crise de nerfs, je peux plus lui infliger ma vie de chasseur solitaire. J’ai tout mis dans ma vieille conduite intérieure, une authentique Buick des années 40 « je veux plus te voir, toi et tes manies débiles, plus jamais tu m’entends ? » Elle m’a même balancé à la gueule ses sublimes robes des années 50 que je lui achetais à Emmaüs et les deux perruques blondes platines que je l’obligeais à porter. Elle n’a jamais voulu être ma secrétaire « bon dieu Daniel ! j’ai déjà du boulot, et tu n’as pas un seul client ». Dash, poupée, appelle moi Dash. C’est vrai que les débuts ont été difficile, je peux pas le nier mais là, je suis sur la bonne voie, j’ai eu mon premier client et je me suis démerdé comme un pro. J’ai pas eût affaire au Boss Dans ce métier, il y a beaucoup d’intermédiaire, C’est le gros Raymond, le chef des contremaîtres qui m’a contacté. Il a payé rubis sur ongle et là, dans ma poche, j’ai cinq billets de 20 euros.

Je m’allume une Craven. Je suis dehors, appuyé sur le capot de ma Buick. L’air est frais, je me gèle mais j’ai l’habitude. De ma main gauche, je palpe les billets. J’aurais pu inviter Betty à la pizzeria, même elle est tenue par un maffieux calabrais, une ordure, je suis sur que sa femme est même pas déclarée, mais de toute façon, avec Betty, je crois que c’est vraiment terminé. Alors je suis parti avec la Buick « putain j’en ai marre de ta voiture pourrie, elle consomme, elle pue et elle n'avance pas », et je suis venue me garer là, dans cette rue du quartier, je regarde les lumières du troisième, c’est éteint, j’hésite à monter.

Je vais vous raconter ma dernière mission, non, vous comprendriez pas, faut être affranchi. Je vais juste vous dire que je me suis fait passer pour un intérimaire que je me suis introduit subrepticement dans le local syndical F.O. et j’ai piqué la caisse de bouteilles de Ricard des contremaîtres et je l’ai mise dans le local C.G.T. J’ai laissé une inscription sur la porte « F.O., c’est des pédés, signé La C.G.T. ». L’intersyndicale a volé en éclat et le boulot à repris, au grand dam de Betty, qui bosse dans cette usine et qu’était à la tête du mouvement de protestation.


Voila, telle est la vie du privé.

Au troisième, une lumière s’allume. Elle doit être réveillée. J’écrase ma Craven A et je monte au troisième, chez ma mère. J’espère qu’elle n’a pas jeté mon intégrale d'Eliott Ness.

J'ai toujours bien aimé les textes écrit à la première personne où le héros est un connard et ne le sait pas.

un ton dans la tradition et un décalage amusant. J'ai bien aimé.